Passion : voler... construction amateur

Femme hors du commun

René BOURNY Par Le 11/10/2025 0

 

         Tranche de vie d'une femme hors du commun

 

 

 

La vie de nos associations, et en particulier de celle que je fréquente, un petit aéroclub normand, n'est pas faite uniquement de récits, de navigations aériennes, d'histoires d'avions et d'aviateurs. Elle se nourrit également d'histoires humaines, de rencontres, de sentiments ….

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Lorsqu'elle est arrivée chez nous, à l'Aéro-club Cauchois, c'est un soleil que nous avons accueilli, doublé d'une boule d'énergie. Elancée, svelte, la chevelure blonde tombant en cascade sur ses épaules, à la façon d'une de ces filles du Nord, elle avait  un de ces sourires bienveillants perpétuellement accroché à son beau visage.

Elle venait nous voir dans l'espoir de pouvoir passer, chez nous, sa licence de pilote privé avion (PPL).

Ce fut avec un immense plaisir que nous l'avons accueillie.

Dans l'aéronautique, les femmes sont, malheureusement, toujours en minorité, bien que les choses commencent à changer.

Elle ne venait pas de très loin, à peine une trentaine de kilomètres de notre aéroclub. Elle venait aussi de l'aéronautique, son père ayant crée son propre aérodrome. C'est ainsi qu'elle a pu voler en sa compagnie, moult fois. Pour autant, le pilotage ne l'avait jusqu'alors pas tentée.

C'est la quarantaine passée, que lui est venue cette envie.

J'omets  volontairement son prénom, dans cet article.

Il s'agit d'une femme active, très active même, et les vols se sont enchainés, en compagnie de ses instructeurs. Elle n'a pas tardé à obtenir le fameux sésame lui permettant de voler seule et d'emmener des passagers. Durant tout ce temps, elle est entrée au Bureau de l'association, en tant que trésorière. J'y occupais alors le poste de secrétaire et nous n'avons pas tardé à sympathiser puis à nous lier d'amitié.

Afin d'acquérir davantage d'autonomie et de pouvoir voyager plus librement, elle s'est mise en quête de trouver un avion. Ses recherches l'ont amenée à aller voir un Piper Cub, type d'avion qu'elle chérissait. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'elle apprit que l'avion qu'elle venait voir avait été construit par son père. Ce fut un coup de foudre et elle l'acheta sans hésitation. Cet appareil était plutôt bien motorisé : un moteur Continental de 100CV.

Elle commença à voler dessus après s'être faite lâcher par un ami instructeur. Elle m'a ainsi permis de faire avec elle, un vol passionnant sur Caen afin d'y rencontrer d'autres passionnés de Piper Cub.

Les vols se sont succédés pour elle, afin de bien prendre en main sa machine.

C'est après un examen approfondi de celle-ci, que sont apparus, des défauts importants, certains remettant en cause la suite des vols et  nécessitant des interventions indispensables.

Un de ses amis, propriétaire d'un magnifique Bücker construit par lui-même, lui proposa alors de pratiquer une remise en état quasi complète de son Piper.

Hésitante à l'idée de se trouver momentanément privée de son joujou, elle finit par se ranger aux arguments de son ami, qui mettait en avant la sécurité des vols.

Le but ultime de l'achat de cet avion était pour elle de pouvoir voyager. Dans cette optique, elle devait maîtriser la langue anglaise et donc obtenir le fameux FCL 055, qui est

l'habilitation indispensable exigée par la DGAC pour converser en vol dans la langue de Shakespeare.

Qu'à cela ne tienne, notre fougueuse recrue décida alors de partir durant six mois courir le monde afin de parfaire son niveau d'anglais. Durant tout ce temps, son Piper serait en de bonnes mains pour y subir sa remise en état.

Son périple la mena tout d'abord aux Philippines où elle s'inscrit dans une école de formation à la langue anglaise. Ayant la bougeotte, elle partit ensuite pour l'Australie où elle put piloter un peu.

Puis ce fut la Nouvelle Zélande où elle travailla chez l'habitant afin de contribuer à payer son séjour.

Enfin, ses pas la menèrent au Sri Lanka où elle termina son périple.

Durant son absence, j'ai suivi de près la remise en état de son avion et je lui envoyais régulièrement des photos des travaux. J'ai pu ainsi faire plus ample connaissance avec son ami Bertrand, homme charmant et convivial, soucieux de transmettre ses connaissances en matière d'aéronautique. Au fur et à mesure de l'avancement des travaux, de nouveaux points critiques apparaissaient, prolongeant ainsi la durée de ceux-ci. Il devenait de plus en plus évident que l'avion ne serait pas prêt au retour de ma belle. Oui, c'est ainsi que je la nomme.

Heureusement, cette femme pleine de ressources, avait prévu, dès son retour, de participer, avec une amie pilote, au rallye féminin du Maroc, à bord d'une machine de l'Aéroclub. Elle était très motivée et se consacra, à peine rentrée de son périple, à ce nouveau projet, mettant un peu de côté les travaux en cours sur le Piper. Comme elle voulait voyager, avec son avion, il devenait impératif d'en augmenter l'autonomie. Pour se faire, il avait été décidé d'ajouter deux réservoirs dans les ailes. Ceci s'ajouta à la liste des travaux. Le désentoilage, rentoilage et peinture devenaient nécessaire, en ce qui concernait les ailes. Ce qui fut fait durant son périple.

A son retour du Maroc, elle se réinvestit dans les travaux de son Piper. Cette femme bourrée d'énergie sait tout aussi bien se montrer sophistiquée en robe de soirée parmi ses amis et, le lendemain, dans sa combinaison de mécanicienne, mettre les mains dans le cambouis sous son avion pour travailler sur le train d'atterrissage.

Le fuselage étant resté dans les hangars de l'aéroclub pendant que les ailes subissaient leur cure de jouvence, ma belle m'a proposé de lui prêter main forte pour réaliser certains travaux sur ledit fuselage : réfection du tableau de bord, changement des vitrages, interventions sur les freins …etc

C'est ainsi qu'est née notre collaboration technique sur son avion, renforçant par là même notre amitié. J'avais, quand à moi, retrouvé une motivation nouvelle pour me rendre à l'aéroclub.

C'est alors que s'est produit le drame : Bertrand disparut subitement dans le crash de son Bücker.

Ce fut une tragédie pour elle et aussi pour toutes celles et ceux qui le connaissaient.

J'ai eu peur, à ce moment-là, que cette femme forte, solide et volontaire ne s'effondre et que nous la perdions. Nous l'avons soutenue de notre mieux et, petit à petit, jour après jour, nous l'avons vue renaître et reprendre le cours de sa vie.

Un jour, elle est venue me voir et m'a dit : "je continue, pour mon père, pour Bertrand, je ne peux pas abandonner ce projet."

Le sort en était jeté. Il fallait continuer, mais sans notre colonne vertébrale qui gérait le chantier et faisait le plus gros du travail.

C'était sans compter sur l'énergie débordante de cette femme, sur ses dizaines de connaissances amicales et professionnelles auxquelles elle s'empressa de faire appel.

Le chantier reprit. De nouvelles recrues répondirent présentes.

Aujourd'hui, le Piper est en passe de retrouver ses ailes, ses empennages et va bientôt revoler avec ma belle  à ses commandes, pour son plus grand bonheur. Il subit actuellement la phase ultime des travaux dans un atelier d'entretien et de réparation, en Picardie, avant de revenir, en vol, avec, aux commandes, notre femme pilote.

Ce portait d'une femme hors du commun ne serait pas complet si je ne tempérais pas les qualités nombreuses de celle-ci par quelques petits défauts induits par les dites qualités.

En effet, notre boule d'énergie, toujours en action, fonçant dans la vie à la vitesse de l'éclair, passe parfois à côté des personnes sans les voir, ou sans leur accorder le temps qui serait nécessaire.

Le téléphone portable toujours accroché au cou, elle est prête à répondre dans l'instant aux nombreux appels qui lui arrivent chaque jour. Si, à ce moment-là, vous êtes à ses côtés, en train de lui parler, elle vous plante là pour répondre au téléphone. La conversation est alors perdue…

La suivre est vain. C'est une étoile filante ! Elle ne marche pas, elle court. Elle parle en termes d'objectifs, de challenges…. C'est une femme d'affaires qui oublie parfois la dimension humaine de la vie. Elle vit comme un papillon, qui vole de fleurs en fleurs, se posant à peine, avant de repartir pour de nouveaux horizons.

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Ma belle, je ne vais pas terminer ton portrait sur une note négative car tes qualités supplantent largement tes petits défauts.

Laisse-moi m'adresser directement à toi pour te dire ceci en conclusion :

Tu es une femme forte et courageuse, tu es une guerrière. Tu avances malgré les épreuves et tu trouves toujours la force de sourire.

Tu as en toi cette lumière rare qui réchauffe les cœurs et qui rend le monde plus doux. Chaque jour, tu rayonnes par ta joie et ta bonne humeur. Ta présence est, pour nous, un cadeau et ton énergie une source d'inspiration, alors tu peux être fière de toi.

Merci, ma belle, de nous avoir choisi pour vivre à tes côtés.

Ton ami,

René

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