Passion : voler... construction amateur

La Prise de Décision.

René BOURNY Par Le 12/08/2020 0

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                                  Le vol des oiseaux fascinait déjà nos ancêtres et je n'ai pas échappé à la règle. Tout jeune, alors que mes camarades couraient derrière un ballon, je flânais, la tête en l'air et les yeux rivés sur les buses, qui décrivaient des arabesques dans le ciel de mon Jura natal, les ailes parfaitement immobiles. Cette aisance et cette grâce qu' ont les oiseaux à se mouvoir dans un espace tridimensionnel, ne cessent de me subjuguer.

C'est probablement dans ce même état d'esprit que des passionnés se sont élancés du haut des tours, des montagnes, des ailes artificielles attachées aux bras, pour s'écraser inéluctablement au sol.

Puis ce fut avec des ballons, conçus notamment par les frères Montgolfier, qu'ont été réalisés les premiers vols humains, au XVIII ème siècle.

Il fallut encore une bonne centaine d'années avant que l'on puisse faire voler des "plus lourds que l'air" : des planeurs tout d'abord, puis des machines à moteur. Parmi tous ces précurseurs, citons Clément Ader avec son Eole à vapeur, les frères Wright avec leurs planeurs non motorisés dans un premier temps, puis motorisés par la suite.

Au tout début des années 1900, le brésilien Santos Dumont, accomplit le premier vol européen dans un appareil plus lourd que l'air. Ce furent ensuite Louis Blériot et son Blériot XI, concurencé par Hubert Latham. On peut aussi citer Henri Farman, Glen Curtiss, les frères Voisin et toute la lignée des faucheurs de marguerites, avec leurs lots de réussites, mais aussi d'échecs plus ou moins retentissants et parfois fatals.

Pourquoi ce petit raccourci historique ?  Tout simplement parce que, tous ces hommes et quelques femmes, se sont un jour retrouvés dans une machine plus lourde que l'air, issue de leur génie créatif et mue par un moteur à explosion, alignés face au vent (à l'époque c'était toujours possible car on s'élançait depuis un champs d'aviation, les pistes, avec leur orientation prédéfinie, n'existant pas encore) pour ce qu'ils considéraient être une nouvelle aventure. Et quelle aventure ! Il ne s'agissait, ni plus ni moins, que de tenter de s'affranchir de la pesanteur, pour s'élever dans les airs et conquérir la troisième dimension.

Et c'est de ce moment là que je veux vous parler aujourd'hui. Ce court moment, d'une intensité extrême, c'est celui de "La Prise de Décision" . Et il se reproduit chaque fois que l'on s'aligne sur la piste, aux commandes d'un aéronef, pour un nouveau vol.

Durant  la mise en oeuvre de son appareil, chaque commandant de bord, entre progressivement dans une bulle qui va l'isoler peu à peu du monde environnant. Le cérémonial de la visite "pré-vol" constitue le départ de cette mise en condition, durant laquelle il se focalise sur l'essentiel. Et cet essentiel passe par la sécurité du vol. Durant l'inspection minutieuse de l'appareil et de ses gouvernes, le vol est dèjà en train de naître dans sa tête. Après l'installation méthodique de ses passagers et de lui même, et avant la mise en route, s'impose pour lui, comme une évidence, le déroulé d'une première "check-list". Il y en aura d'autres avant, pendant, et après le vol. Puis arrive le moment du roulage, sur ce que nous dénommons le "taxiway" (le vocabulaire aéronautique est jonché de termes anglo-saxons) . Lors de ce déplacement, à vitesse réduite, une nouvelle "check-list" est égrenée naturellement, avec une fois encore, plusieurs contrôles vitaux pour la suite du vol et la sécurité des occupants. Se présente alors un point balisé, que l'on nomme "point d'attente". L'arrêt y est impératif, avant de pénétrer sur la piste. Il est le lieu d'une nouvelle "check-list" complétée par des essais moteurs. Durant tout ce cérémonial, depuis la pré-vol jusqu'au point d'attente, le niveau de concentration du commandant de bord n'a cessé d'augmenter. Il refait deux fois et parfois trois, sa check-list avant décollage, afin d'être bien certain de n'avoir rien oublié. Si un passager lui parle à ce moment là, il ne l'entend plus, il est ailleurs, totalement concentré sur sa préparation du vol.

Voici qu'arrive le moment le plus important, celui de l'allignement en entrée de piste, face au vent (lorsque c'est possible).

Désormais, le pilote ne peut plus tricher. Il se retrouve face à lui-même, avec ses responsabilités et une décision à prendre, qui engage non seulement sa personne, mais aussi ses passagers. Il visualise l'espace environnant, se repose les questions essentielles auxquelles il a déjà consacré du temps avant le départ : vent (force, orientation, rafales ...) charge de l'appareil, température extérieure, nature de la piste et enfin son état physique et mental. Il lui faut désormais prendre "La Bonne Décision". J'y vais ou je n'y vais pas ? Il est encore temps. Sur une piste courte, lorsque la course d'élan sera engagée, il sera trop tard pour revenir en arrière. S'il se répond "OK" à toutes les questions, alors ses pieds lâchent les pédales de frein, il pousse calmement la commande des gaz au tableau. L'avion s'ébranle, puis accélère......Le vol peut commencer.

Chaque vol est une aventure qui nait avec le décollage et s'achève avec l'atterrissage.

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Pour boucler la boucle, essayons d'immaginer les sentiments qui pouvaient habiter les pionniers de l'aviation au moment de la Prise de Décision, alors qu'ils allaient s'élancer sur des machines conçues et crées par eux mêmes, dont ils ignoraient tout de leur comportement en vol, et qui risquaient de leur coûter la vie....

A une échelle moindre, immaginons aussi l'état d'esprit des constructeurs amateurs, lors du premier vol de l'appareil qu'ils ont construit de leurs mains. Les instants qui précèdent la toute première "Prise de Décision"  sont probablement d'une intensité énorme, et suivis d'une brusque montée d'adrénaline ...

A bientôt !

René, le 12 août 2020.

 

 

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